L’herbe est-elle vraiment plus verte ailleurs ? Mon histoire avec cette illusion
J’ai grandi en pensant que l’herbe était toujours plus verte ailleurs. Mes parents regardaient les émissions télé genre « sept à huit » où l’on voyait des riches se la couler douce sous les tropiques, en vantant leur réussite et en sirotant des cocktails sur des yachts de luxe. Ils commentaient sans cesse en disant à quel point la vie des gens sur cette île paradisiaque avait l’air meilleure que la leur, et meilleure que la nôtre.
J’ai donc aussi nourri cette imaginaire que tout était plus beau et mieux ailleurs, et que ma véritable vie commencerait quand je serais partie. Je courrais à la recherche du « mieux que chez moi » : de meilleurs amis, de meilleures moments, de meilleures paysages…
Spoiler alerte, vous vous doutez que ce n’est du tout le cas ! Au contraire, partir m’a fait réaliser que, parfois, l’herbe est tout aussi belle chez soi.
Mon expérience avec le mythe de l’ailleurs
J’ai commencé à partir en vacances à 18 ans (j’appellerais ça des vacances et je parlerais plutôt de voyages pour les mois que j’ai passés à vivre au Canada et en Australie) lors de Mon Premier Voyage Solo à Montréal. Je suis ensuite partie à Malte et en Irlande. Jusque-là j’étais plutôt satisfaite du côté « c’est mieux là-bas ».
C’est vrai que je trouvais les gens des autres pays trop sympas et les paysages plus beaux : l’herbe plus verte et les panoramas plus majestueux. Comme si l’air français rendait les couleurs plus ternes et nous rendait plus aigris (ce qui est peut-être vrai finalement). Par contre, ce n’est pas mieux du côté des repas. Pour ça, la nourriture était clairement mieux en France.
Quand je suis partie pour mon stage au Canada, je me suis dit : « C’est le moment, c’est maintenant que tu vas t’épanouir et te trouver. La vie est certainement plus belle là-bas. »
Mes 8 mois à Montréal m’ont effectivement un peu biaisée, car, c’est vrai, je me sentais bien (et peut-être « mieux ») dans ce pays. Le contexte n’y était pas pour rien. En raison du COVID, mon stage se faisait à distance. En fait j’avais 8 mois pour écrire tranquillement mon rapport de stage depuis la maison et participer à quelques réunions en visio de temps à autre.
Mes colocs étaient, eux, sans emplois. Les bars et les resto étaient fermés. Il était impossible de quitter la ville de Montréal, et pour couronner le tout, on était tous rémunérés pour ne rien faire. Donc, forcément, cloîtrés à la maison à quatre, avec de l’argent et rien pour le dépenser, ça crée des liens.
Nous passions nos journées ensemble à découvrir Montréal et ses alentours et à faire des soirées à la maison avec les amis de tout le monde. Je me suis sentie comme dans une deuxième famille. C’est vrai que je n’avais jamais tissé des liens aussi forts avec certaines personnes. Je suis complètement tombée amoureuse de cette ville et j’ai eu du mal à en partir.
Cette expérience m’a conforté dans l’idée que c’était mieux, et que j’étais mieux, ailleurs. J’avais envie de repartir et de revivre les mêmes sensations. Je voulais transposer ce que j’avais vécu là-bas dans un autre pays. J’ai bien évidemment pensé à tort qu’une première expérience de voyage réussit = la deuxième tout aussi triomphante.
En Australie, l’herbe n’est pas plus verte, elle est brulée
Je suis donc arrivée sur cette nouvelle terre d’accueil avec l’envie d’une « meilleure » vie comme je l’avais ressenti au Canada auparavant. Je m’imaginais avoir un nouveau travail au bord de la mer, rencontrer des personnes encore plus géniales que celle que j’avais en France, découvrir des paysages plus fous. Vivre des activités et des moments de dingue.
Je cherchais aussi la meilleure moi : plus drôle, un peu plus folle, prête à tout, plus sociable. Bref, je voulais tout, en mieux. Sans savoir réellement ce que voulais dire « mieux ». Finalement, j’aurais tout eu, mais en moins bien.
La pire version de moi-même
Le sentiment que l’herbe est plus verte ailleurs vient souvent d’un mélange d’idéalisation et d’insatisfaction.
Je me suis rendu compte de tellement de choses à travers mon voyage. C’est surtout là-bas que j’ai réalisé que j’étais une personne anxieuse et hypersensible qui n’avait pas les mêmes besoins et envies que tout le monde (voir mon article Comprendre l’Anxiété : Mon Parcours Personnel).
Ne pas savoir où on va dormir le soir même, dépenser des fortunes dans les auberges (car oui, l’Australie, c’est cher !), rencontrer des dizaines de personnes par jour, dormir dans des dortoirs, travailler 66 heures/semaine mais ensuite perdre son emploi en raison des conditions météorologiques… C’est épuisant, autant physiquement que psychologiquement.
Je n’arrivais pas à trouver ce qu’il me fallait pour me sentir bien là-bas. Je n’avais pas de logement fixe. Pas de personne à qui me confier pendant les moments difficiles. Je ne trouvais pas ma place. Je devenais irritable, fatiguée et angoissée. Et ce n’est pas pas étant aigrie et froide que l’on se fait des amis.
Pour me protéger de tout ça, j’ai commencé à me renfermer et à faire moins de choses. J’ai perdu confiance en moi et j’ai vécu des moments assez difficiles pour ma santé mentale, ce qui a rendu les prises de décision importantes compliquées.
J’ai beaucoup mis mes pensées et mes angoisses sous le tapis pour essayer de faire face. Je ne croisais que des backpackers qui n’arrêtaient pas de dire à quel point l’Australie était incroyable et que, pour rien au monde ils ne retourneraient en France.
Moi, je ne voulais pas être cette personne rabat-joie qui se plaint d’un choix qu’elle a fait (c’est trop typiquement français). Mais la vérité, c’est que moi, très souvent, je ne souhaitais que ça. Rentrer chez moi. Retrouver de la stabilité et une routine, mes proches et mes montagnes. Recréer une bulle de sérénité.
Pas de meilleur Histoire que l’Europe
L’Australie m’a permis de voir des paysages inimaginables. Or du temps. La nature et la biodiversité sont les choses que je retiendrais le plus de ce pays. Tout y est beau, propre et préservé. Les plages sont paradisiaques et il n’y a personne.
D’un autre côté, moi, je suis une grande fan d’Histoire et de culture. Or, il ne faut pas oublier que l’Australie est un « jeune » pays (elle a été envahie par les colons britanniques en 1901). Il n’y a donc pas beaucoup d’Histoire à proprement parlé comme on peut le voir en Europe (musées, sites archéologiques, monuments historiques…).
Niveau architecture, c’est également assez pauvre. Les villes sont faites de quartiers résidentiels comme aux Etats-Unis, avec des maisons identiques et toutes sur un seul et même niveau. Les centres-villes sont faits de gratte-ciels immenses et de gigantesques centres commerciaux. On ne retrouve pas trop de vie de quartier et de petites boutiques avec des créations maison, par exemple. Il n’y a pas non plus beaucoup d’évènements culturels.
Tout cet aspect m’a beaucoup manqué lors de ce voyage, et c’est aussi une des raisons pour lesquelles je ne me suis pas sentie complétement épanouie.
L’herbe n’est pas forcément plus verte ailleurs
L’expérience de vie au Canada m’a fait prendre un peu (trop) confiance en moi et mes capacités. Je me sentais si bien là-bas que je pensais pouvoir vivre ça encore une fois. Or, je suis partie en Australie presque deux ans plus tard. J’étais donc une autre personne. J’avais plus d’anxiété, d’autres besoins et d’autres envies. Aussi, j’ai mis de très hautes attentes sur ce nouveau départ. En oubliant que c’était tout simplement un autre pays, avec une autre culture, et une autre façon de vivre.
J’ai donc assez vite compris qu’ailleurs n’est pas forcément mieux. Et que moi-même, je n’étais pas nécessairement la meilleure version de moi-même autre part.
En grandissant avec ces fausses croyances d’herbe plus verte chez le voisin, j’ai manqué d’ancrage dans le présent, dans ma « vraie » vie. J’ai toujours attendu le moment où je partirais pour m’autoriser à être bien et être heureuse. J’ai oublié de vivre l’instant présent avec ma vraie famille et mes vrais amis ainsi que ma vraie région. Ma véritable vie. Et non pas l’illusion d’une autre vie parfaite à l’étranger.
La leçon
Il fallait que je parte pour voir que l’herbe n’est pas forcément plus belle, plus verte ou mieux entretue ailleurs. Avant, je voyais le voyage comme une quête pour aller chercher le mieux, sur tous les aspects de ma vie. Maintenant, je sais me satisfaire de ce que j’ai ici, dans mon jardin. C’est ce que j’ai de plus précieux. Ici et maintenant.
Je sais aujourd’hui voir le voyage comme un plus et non pas comme quelque chose de « mieux ». 🙂
